Par moments, le chemin peut sembler bien long pour atteindre nos objectifs de vie ou sportifs… Cependant, quand on a le talent d’Edward Levy, mais surtout sa détermination, son intelligence, la juste stratégie et une belle éducation… il peut s’écourter !
Briller à Paris en remportant les trois épreuves majeures d’un CSI 5* intégré au circuit du Global Champions Tour, et de plus dans sa ville natale, sa capitale, dans un tel site comme la Tour Eiffel et devant sa famille, son public et à un si jeune âge… C’est une magnifique histoire. Edward doit avoir la sensation d’une belle récompense professionnelle, d’un certain niveau atteint et même d’un pallier dépassé.
Je suis heureux pour lui, pour sa famille, ses soutiens et tous ceux qui croient en lui. Je le suis doublement car Edward a été un de mes élèves durant une période et malgré que je les adore tous au même niveau, je dois l’admettre, Edward a toujours eu une place particulière dans mon cœur. Son histoire est singulière et elle mérite d’être lue par bien des jeunes qui veulent devenir cavalier professionnel.
Edward vient d’une famille d’entrepreneurs et ne manquait de rien. Sa maman, toujours à l’écoute de ses enfants, est prête à tout pour eux ; même à faire quatre heures de voiture pour emmener Edward monter à cheval à Deauville chez Sophie et Bruno Coutureau, au moins deux à trois fois par semaine. Elle n’hésitait pas non plus à faire ensuite deux heures de voiture pour venir jusqu’au Haras de Bory où je l’instruisais à l’époque. Edward a été toujours choyé mais très bien éduqué par des parents joviales, positifs, structurés, entreprenants, travailleurs…
Quand j’ai rencontré Edward la première fois, j’ai de suite été subjugué par son talent, sa passion et son intelligence. Il était encore un petit peu tendre, mais tout en restant déterminé. Quand on décide de faire du sport de compétition il faut apprendre à encaisser, à se renforcer, à se maîtriser, à se remettre en question, à accepter et gérer les moments de crises pour évoluer, progresser… Aller en compétition avec un tel cavalier n’était que du plaisir et me rendait très facile ma vie d’enseignant. Lors d’un CSI juniors à Barbizon par exemple, Edward remporta pas moins de cinq épreuves sur six, dont le Grand Prix. Je n’étais pas le seul à voir son talent. Un jour, alors que nous étions en Hollande pour essayer des chevaux, Laura Kraut vit Edward monter. Aussitôt elle me disait qu’elle adorait son équitation et qu’elle était certaine qu’il ferait un jour des grosses épreuves… Elle ne s’était pas trompé, il y est arrivé ! Ce week-end dernier à Paris encore, il l’a prouvé.
Pourtant, une certaine jeunesse dorée aurait pu lui faire prendre une mauvaise route, manquer de courage ou de détermination, ou tomber dans la facilité… Rien de cela n’arriva. Il a toujours été un battant, un gagnant et sa famille n’est jamais intervenue. À partir du moment où il a décidé de s’engager dans le milieu équestre, Edward a promis à ses parents de s’assumer seul économiquement. Je me souviens même l’avoir entendu me dire que si un jour il avait les sous, il s’achèterait d’abord un cheval avant une voiture. Ses géniteurs ont toujours accepté ses choix en lui permettant une certaine liberté, tout en restant dans un cadre (éducation, études, engagements). A une époque où l’on tape souvent sur la tête des « mauvais parents d’aujourd’hui », surtout dans notre milieu de l’équitation, eux ont été exemplaires. Omniprésents, mais jamais envahissants…
Alors qu’Edward avait obtenu avec deux ans d’avance son baccalauréat, il me demanda ce qui lui convenait de faire : poursuivre ses études et rentrer à l’université ou bien se concentrer sur une carrière sportive équestre. Je lui conseilla, vu ses capacités et facilités intellectuelles, de poursuivre ses études. Il écouta ce conseil et rentra à l’université de La Sorbonne. Après quinze jours de fréquentation, il me téléphona désespéré en me disant que vraiment c’était trop dur pour lui de rester enfermé et qu’il entrevoyait sa vie seulement auprès des chevaux.
À partir de ce moment, nous avons décidé ensemble d’une stratégie claire et de long terme. Pour moi c’est la clé de la réussite ! Je lui demanda quel était le cavalier avec lequel il désirerait apprendre. Il me répondit Patrice Delaveau. J’organisa donc leur rencontre et leur collaboration. Edward, qui n’était âgé que de dix-sept ans à l’époque, quitta son confort parisien et la vie chaleureuse de famille, pour se retrouver seul en Normandie. Il vécut une expérience merveilleuse chez les Delaveau mais Edward ressentait le besoin de faire de nombreuses expériences et pourquoi pas à l’étranger pour apprendre d’autres méthodes d’équitation et langues. Il partit alors ensuite chez Ludger Beerbaum. Là-bas, il devait débuter en bas de l’échelle, faire ses preuves, monter en priorité les jeunes chevaux ou ceux médiocres mais il avait la chance tout de même d’observer certains des meilleurs cavaliers mondiaux : Marco Kutcher, Henrik von Eckermann, Philipp Weishaupt… Parfois Edward me téléphonait en étant bas de moral ou préoccupé. Malgré ses titres de Champion de France juniors et jeunes cavaliers, la route lui semblait longue par moments pour gravir les échelons (horaires longs, travail intense, langue difficile, solitude, nourriture différente, souvent livré à lui-même…). Malgré ces points délicats, je réussissais à convaincre Edward de rester au minimum un an afin de renforcer là encore ses acquis, sa ténacité, de prouver sa réelle passion et détermination, d’enrichir son CV. De plus, Ludger sait récompenser les personnes qui vraiment s’impliquent et, connaissant le parcours d’Edward, son estime ne faisait qu’augmenter. Il lui dédia toujours plus de temps. Cependant, malgré l’évolution de son statut au sein de l’écurie du « kaiser », une offre alléchante des États-Unis s’offrait au jeune prodige qu’il ne pouvait refuser.
Après cette expérience allemande, Edward parti donc aux États-Unis où il collabora avec Brianne Goutal. Là encore, une expérience pleine de rencontres et d’acquis qui lui seront utiles lors de son retour en France où il s’installa enfin à son propre compte et créa avec des partenaires l’écurie Showjump (sport, formation, commerce) et dont un des membres n’est autre qu’un de mes anciens élèves et ami, Serge Varsano.
Aujourd’hui, Edward Levy est devenu le nouvel espoir de l’équitation française. Pour moi c’est, en plus d’être un de mes protégés, un modèle et exemple pour les générations futures. Il ne suffit plus de nos jours d’être talentueux à cheval. Il faut être capable de gérer son image, son marketing, ses relations publiques et avec les propriétaires, ses chevaux, son écurie et son personnel avec honnêteté, intelligence, stratégie, courage et passion.
Quand un élève de jeune âge quitte son maître, on estime que c’est toujours trop tôt et on espère toujours que nos enseignements ont été bons, qu’ils lui seront utiles et surtout qu’il les mettra en pratique. Aujourd’hui je peux le confirmer, c’est bien le cas ! Nous nous entretenons régulièrement au téléphone et j’aime l’écouter quand il me dit « Ce qui me rend le plus heureux c’est d’être passionné de sport en étant amoureux des chevaux » ; « Je suis autant passionné de mon quotidien aux écuries que de mon quotidien en concours » ; « J’aime aller aux concours jeunes chevaux la semaine même après des concours de prestige » ; « En ce moment je suis vraiment en recherche d’une belle équitation, celle qui te permet de franchir des paliers, et de perdurer » ; « Le sport que j’effectue en parallèle me rend plus résistant et plus souple… ».
Morale de l’histoire : dans la vie seuls comptent les actes et non les mots ! Ceux qui veulent prendre des raccourcis bien souvent se perdent en route. Le fourbe trouve toujours plus fourbe que lui. L’honnêteté, la sincérité, l’implication, la détermination, le courage et la bonne stratégie amènent au succès et ce dernier engendre le succès.
Vraiment, bravo Edward ! Compliments pour avoir rempli ce premier quart de ta vie avec autant d’authenticité et d’intensité. Comme tous tes anciens professeurs d’équitation l’ont prédis, tu auras un magnifique parcours équestre. Ce n’est, je l’espère, que le début d’une longue et belle épopée où ton nom restera gravé dans toutes les mémoires des réels amoureux des chevaux, de sport et passionnés de belle et juste équitation dans le respect du cheval, des personnes et des traditions comme j’ai cherché à te l’inculquer.
Sportivement, Éric