Elevage et parcours d’aujourd’hui : sont-ils en adéquation ?

equita lyon

Ces semaines dernières ont été intenses, avec des déplacements en Normandie puis en Rhône-Alpes. J’étais tout d’abord dans la région numéro 1 de l’élevage français afin de rechercher de nouveaux jeunes chevaux à acquérir. J’ai ainsi pu assister au CSI 4* de Saint-Lô puis partager une journée de travail avec le champion olympique Kevin Staut. Avec les chevaux, on ne finit jamais d’apprendre et observer un tel cavalier est un privilège, une source d’inspiration, de motivation et de remise en question… Après cela, je me suis dirigé vers Lyon pour assister, d’après moi et de l’avis de tous les plus grands cavaliers de la planète, à un des plus beaux concours au monde, à Eurexpo, pour l’étape du circuit Coupe du monde et les CSI 5* et 2* organisés magistralement par toute l’équipe GL Events et Sylvie Robert.

Durant tous mes déplacements, j’adore discuter avec bien des acteurs de tous les secteurs du monde équestre. C’est toujours l’occasion d’échanges et de partages sur des thèmes très variés. Certains pourront être réjouissants, enrichissants, d’autres préoccupants, mais quoi qu’il en soit, tous passionnants. Je m’intéresse ainsi à connaître les projets, les méthodes, la vision, les motivations ou préoccupations de chacun. Cela me permet ensuite de mieux comprendre dans quelle direction va notre sport, le milieu équin, les nouvelles tendances mais aussi certains travers… dûs bien souvent à des politiques fédérales qui, à mon humble avis, ne se remettent pas assez en question ou des acteurs qui, ayant « la tête dans le guidon » ou « dans les étoiles » ne réagissent pas pour mieux gérer l’intérêt commun. J’apprécie ensuite vous faire partager mes expériences, mes observations, leurs témoignages, mon ressenti et mes analyses ici, sur mon blog, et sur les réseaux sociaux. Vous êtes de plus en plus nombreux à me lire et je vous en remercie. C’est pour moi une grande source de motivation.

Première constatation durant ce périple Normand, l’élevage est en train de s’industrialiser. Les élevages moyens cherchent à devenir toujours plus grands tandis que le petit éleveur bien souvent agriculteur se meurt ! C’est triste car de chez ces grands passionnés aux petites disponibilités sont sortis bien des bons chevaux. Les quelques irréductibles se sont mis à élever des trotteurs car ils sont vendus à dix-huit mois. L’exploitation et la formation des chevaux de saut d’obstacles proposées par le système actuel sont trop longues et trop onéreuses. Pour les autres, les gros éleveurs, beaucoup pensent et espèrent que vu les qualités demandées aux chevaux de sport de haut niveau et vu les tarifs qu’ils atteignent, il faut faire du nombre pour espérer quelques sujets de qualités et en avoir au moins un par génération qui soit d’exception. Tout le monde rêve du crack qu’il vendra une fortune !

Il est vrai que le très bon cheval aujourd’hui doit avoir tellement de qualités : solide, léger et agile, rapide d’exécution, respectueux, avoir un superbe galop et équilibre… De ce fait ces « moutons à cinq pattes » se faisant rares, les prix sont devenus fous et de nombreux humains aussi. Ces derniers n’hésitent pas à acheter une fortune les ovocytes d’une bonne jument, à faire faire plusieurs transferts d’embryons de leur bonne jument et même à programmer une fécondation in vitro avec micro injection intracytoplasmique (ICSi). Malgré tout cet enthousiasme et tous ces systèmes d’élevage mise en place, est-ce que l’élevage pourra créer en grand nombre et rapidement un type de cheval vraiment adapté au sport d’aujourd’hui ? N’y aura-t-il pas pendant un temps une carence de ces chevaux d’exception pour aborder les parcours si délicats d’aujourd’hui ? Seront-ils assez nombreux pour résister à la sollicitation que leur font certains cavaliers, propriétaires et même Fédérations pour participer aux si nombreux concours qu’offrent le système actuel ? Actuellement en tout cas, il y a pénurie de bons chevaux et même des cavaliers d’exception se retrouvent piétons. Tout cela me fait rebondir sur l’analyse des parcours d’aujourd’hui.

À Saint-Lô comme à Lyon, le chef de piste international et de niveau quatre, Grégory Bodo (ils sont seulement deux en France à pouvoir concocter par exemple les parcours olympiques), a dessiné des parcours exceptionnels. Ce dernier joue beaucoup sur le temps accordé pour obliger les chevaux à sauter dans le galop ; les obstacles sont très légers et délicats ; les hauteurs et largeurs jamais exagérées ; les angles bien pensés pour éviter les à coups, les virages brusques… Tout ceci en pensant avant tout au bien-être des chevaux et des cavaliers, au plaisir de voir du beau sport. Jamais avec lui de chevaux à l’effort, de grosses fautes aux obstacles et des résultats déprimants aussi bien pour le cheval que pour le cavalier. Il est donc un précurseur, incitant ainsi le sport à aller dans cette direction. Je trouve cela fantastique car ce type de parcours et surtout avec le retrait des artifices, à savoir les guêtres postérieurs correctives, va obliger tous les cavaliers à devenir de vrais athlètes (sveltes, sportifs, équilibrés), de vrais homme de chevaux (les obligeant a bien gérer le planning de compétitions car on sait qu’un cheval blasé perd en respect et donc en performance), de véritables dresseurs (sur des parcours de ce type l’équilibre du cheval doit être très stable malgré la vitesse et cela aussi bien avant pendant et après le saut). À Lyon nous avons assister à du très grand sport et les parcours des meilleurs m’inciteront à parler dès mon prochain post de technique et plus précisément d’équilibre. Chapeau bas en tous cas à Grégory Bodo pour sa finesse d’esprit, son amour et respect des chevaux et du travail bien exécuté !

En revanche tout cela m’amène à me poser bien des questions : est-ce que l’évolution du sport n’a pas trop d’avance par rapport à l’élevage ? Les éleveurs ne doivent-ils produire un autre type de chevaux (peut-être moins puissants mais plus respectueux et agiles) ? Le bon dressage, la juste équitation légère et en avant ne devront-elles pas être mieux enseignés ? La FEI et les fédérations nationales ne devraient-elles pas limiter le nombre de parcours, de concours ou déplacements même à haut niveau ? Ce sport, aux extrêmes, ne sera-t-il pas seulement réservé à une élite de propriétaires mais surtout de cavaliers fermant ainsi la porte à bien des jeunes ayant moins d’expériences ou un seul cheval (souvent les sélectionneurs recherchent le résultat immédiat et les médailles en sélectionnant plus facilement des « vieux routiers aguerris » ou bien en profitant de bons couples jeunes et frais pour les utiliser sans relâche au point de les affaiblir pour ne pas dire les anéantir) ? Dans ce dernier cas, certains propriétaires de chevaux qui sont affectionnés à leur jeune cavalier et voyant qu’ils ont du mal à accéder au grand sport, ne perdront-ils pas motivation ? Est-ce que si la FEI respecte son engagement de retirer les guêtres postérieurs correctives en janvier 2022 les chefs de piste ne seront pas obligés d’abaisser le niveau technique des épreuves ?…

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Comme je le dis toujours, c’est notre exigence qui nous porte vers l’excellence. Le haut niveau doit être l’excellence et l’exemple ; une source d’inspiration, d’admiration, de passion et d’éducation. Je souhaite vraiment que tout notre milieu s’associe dans une vision commune et bien pensée en protégeant ainsi vraiment les chevaux, l’image de notre sport et tous les grands passionnés et belles personnes qui s’efforcent à donner le meilleur d’eux-mêmes, sans relâche et en préservant toujours l’espoir.

Sportivement vôtre, Éric

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