Les parcours d’aujourd’hui sont-ils propices au bien-être des chevaux ?

Eric Louradour archive

Le bien-être animal a toujours été la clé de mes succès avec tous les chevaux particuliers que j’ai pu monter et tous mes élèves. Pour cette raison je pense qu’il est important de faire comprendre en priorité ma philosophie, mon approche aux chevaux et à l’équitation, mes recherches, plus qu’entrer dans la technique proprement dite. Je le pense car beaucoup enseignent cette dernière mais peu comprennent ô combien est  importante la gestion du rapport avec les chevaux. Je le fais pour le plaisir de partager mon savoir, mes expériences, ma philosophie, ma vision de l’équitation et de l’enseignement et de manière non exhaustive, sur mon site internet et les réseaux sociaux.

Aujourd’hui donc je désire vous parler des types de parcours qui, à mon avis, pourraient être améliorés, que ce soit pour les jeunes chevaux, les cavaliers débutants et ceux au plus haut niveau.

Pour les jeunes chevaux : Ne serait-il pas préférable de faire sauter aux jeunes chevaux des obstacles plus gros et plus espacés et des parcours donc moins techniques, plutôt que des obstacles trop rapprochés et trop légers ?

Je pense que oui ! Pour des jeunes chevaux à qui l’on doit faire passer le meilleur moment possible en piste pour qu’ils en gardent d’excellents souvenirs, je trouve les parcours d’aujourd’hui trop techniques. Des parcours avec des obstacles plus espacés inviteraient les cavaliers à prendre un bon galop et faciliteraient la tâche aux chevaux. Ils seraient plus éducatifs pour les chevaux qui, sautant moins en force, gagneraient en courage et en générosité. De plus l’obstacle abordé avec du train apprend au cheval à se reculer devant les sauts, à devenir plus coopérant et plus « intelligent de la barre ».

Les parcours trop techniques d’aujourd’hui obligent également un dressage trop rigoureux et contraignant pour des chevaux en pleine croissance. De ce fait, on observe de nos jours des jeunes chevaux fortement embouchés. Tout cavalier émérite sait qu’un jeune cheval a beaucoup de difficulté à maintenir une attitude rassemblée. Cela provoque des dommages musculaires et mentaux rendant les chevaux toujours plus nerveux et plus opposés à leurs cavaliers. Plus le cavalier résiste ou embouche fortement sa monture, plus le cheval désire se libérer de cette pression sur la bouche et tire encore plus au risque de courir dans la barre… Un mors fort rend donc le cheval anxieux et l’incite encore plus à la fuite. Pour cela, une bonne éducation de la bouche avec une cession de mâchoire qui emmène à la décontraction et avec des mors simples est un must et un passage indispensable. Le rassembler et le dressage à proprement dit du cheval ne devraient être demandés qu’après l’âge de 7 ou 8 ans, et à la fin de sa croissance comme le préconisait déjà en son temps François Robichon de la Guérinière (1688-1751).

Pour les cavaliers débutants : Pour eux, en revanche, ne serait-il pas préférable de sauter un parcours au trot ou tout au moins avec des transitions imposées ou figures de dressage, plutôt que de leur faire faire des parcours misant sur la vitesse ?

En voiture, un jeune conducteur doit modérer sa vitesse ou la limiter durant les premières années. Cela afin de lui éviter de prendre trop de risques et s’habituer à conduire convenablement dans le respect de sa personne et de celle d’autrui.
Le cavalier débutant devrait lui aussi avoir l’obligation de parcours « au ralenti » pour l’inviter à avoir de bonnes bases d’équitation, à mieux gérer ses actions et son attitude, qu’elles soient physiques ou mentales, pour permettre la symbiose et améliorer sa communication avec le cheval. Il doit apprendre à bien gérer ses émotions pour contrôler ses actions et aller vers l’harmonisation ou la perfection.

Si à des parcours plus instructifs on ajoute en plus un jugement sur la préparation et toilette du cheval, on formera alors des cavaliers plus responsables et respectueux et pourquoi pas même des personnes plus civilisées.

Pour le plus haut niveau : Souvent, les parcours ne sont-ils pas trop exagérés en termes de difficultés techniques et de délicatesse ?

Je pense, là aussi, que oui ! On demande aux chevaux d’être très rapides à la fois dans l’exécution du saut et du parcours, mais les obstacles sont tellement fragiles et légers qu’il faut toujours « freiner » à la fin pour éviter de trop rapprocher son cheval de l’obstacle et ne pas risquer une faute. De plus, sur de tels parcours et sans guêtres postérieures correctives, je suis certain qu’il y aurait encore moins de sans-faute. Il est parfois plus facile de sauter plus gros sur des obstacles plus espacés et plus imposants, sur des grands terrains comme Aix-la-Chapelle ou Calgary où les cavaliers peuvent vraiment galoper vers les sauts, plutôt que certains Grands Prix 4*.

La dimension des terrains a une grande importance et malheureusement beaucoup de concours sont organisés sur des petites aires, des « bacs à sable » qui ne facilitent pas le rythme. La technicité avec des obstacles très rapprochés et délicats incite à l’utilisation d’ustensiles peu respectueux de l’intégrité morale et physique des chevaux (mors très forts, muserolles et guêtres postérieurs très serrées, monte en force…). Par chance, certains chefs de pistes sont sensibles au bien-être des chevaux et se rendent compte de la difficulté aussi pour les cavaliers, même si ils sont les meilleurs au monde.

Pour aller plus loin, les bons chevaux adaptés au sport d’aujourd’hui sont si rares que leurs prix explosent et faussent ou rendent le marché très difficile. Même les éleveurs ne savent plus aujourd’hui quel croisement inventer pour faire naître un phénomène et ils ont bien du mal à vendre un cheval dit « moyen ». Ce dernier a perdu toute valeur. Tout le monde cherche « le mouton à cinq pattes » mais seuls les plus fortunés se risquent à l’acheter. Les autres espèrent ou sont si difficiles que conclure une vente est un parcours de combattant.

Ne serait-il pas bon, à la vue de tout cela et pour conclure, de savoir faire un pas en arrière, de revoir certains règlements, de préserver nos cavaleries d’instruction, de faciliter la tâche aux chevaux, aux débutants, aux cavaliers plus éclairés ou professionnels et aux éleveurs ? L’évolution de l’homme ne doit pas pousser à l’extrême des chevaux qui n’ont rien demandé et qui pourtant font toujours preuve de générosité et de compassion à nos égard. Pensons  donc cheval ! Ne mettons pas la barre si haute !

Sportivement votre, Éric

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