La voix et l’intonation pour plus de connexion

Eric Louradour écart d'un cheval

Sur cette vidéo (cliquez ici), vous voyez la réaction violente, inattendue et rapide après un saut de Fantasia de Coquerie. Cette jeune jument est pleine de sang, de force et a un caractère quelque peu délicat et autoritaire. Elle a du mal à gérer ses émotions et à rester en connexion avec le cavalier. Mon travail est donc de la faire progresser à ce niveau si je veux qu’elle soit éventuellement un jour une bonne jument de compétition. C’est elle qui me dira jusqu’où elle désirera et pourra aller. Cependant, par une bonne éducation, je peux l’inviter à aller plus loin, à se dépasser et même à gagner. J’ai désiré vous partager cet épisode car je pense qu’il est intéressant de savoir et d’analyser ce qui s’est passé, pourquoi elle a réagi ainsi, quelle a été ma réaction et ma façon de gérer ensuite ce problème.

Fantasia est apeurée et obsédée par les photos de grande taille qui se trouvent au fond du manège. De ce fait, alors qu’elle était sereine et disponible dans l’abord, elle monte en pression après le saut et fuit en se concentrant sur ces images. Il faut pourtant que je l’habitue sachant qu’au concours, elle pourrait se trouver face à des panneaux publicitaires, une voiture en exposition, un écran géant… Dans un premier temps vous pouvez grâce à cette vidéo comprendre l’importance d’une bonne assiette où non seulement j’ai pu rester en selle mais où aussi je ne me suis pas mis de suite en opposition avec la jument, accompagnant les mouvements de Fantasia sans la contracter ou punir au niveau du dos et de la bouche. Ensuite seulement, je l’ai contrôlé à nouveau. Cela demande une bonne gestion de son équilibre mais surtout de ses émotions pour réagir ainsi. Certains auraient pu tomber mais aussi réagir spontanément et violemment. Une réaction brutale, colérique, mal dosée ou mal gérée pourrait créer des dommages corporels au couple mais surtout psychologique au cheval. Le cheval apprendrait à se mettre toujours plus en opposition et pourrait avoir petit à petit des réactions toujours plus violentes et répétées. Si les deux perdent la tête, les dommages et traumatismes psychologiques et physiques pourraient prendre une ampleur démesurée, récurrente et dangereuse.

Le cavalier d’expérience doit donc non seulement contrôler ses gestes et ses émotions mais aussi être éducatif en modifiant son attitude mentale afin de rassurer sa monture et lui enseigner qu’avec l’Homme, elle est en sécurité. Le cavalier doit obtenir la confiance et le respect de l’animal. Sans ces deux composants, il n’y a pas d’amour entre l’humain et n’importe quel animal. Le bon cavalier doit donc enseigner au cheval à rester dans un cadre fait de ces composants basés avant tout sur l’équilibre dans la relation et le respect mutuel des règles. Dans cette recherche et dans ce cas spécifique, tout en donnant les indications à Fantasia pour s’arrêter (avec la main en résistant, l’assiette en laissant glisser le bassin en avant, le buste qui recule) j’ai associé la voix et des pressions de jambes pour la gronder. Le ton de ma voix était fort, lui faisant part ainsi de mon mécontentement. À cela j’associe une autre action donc sensitive d’inconfort (pression de jambes, petit coup de cravache ou pour ma part seulement une claque sur l’encolure ou la croupe). Les deux actions associées doivent être dosées au même niveau de virulence des agissements de la jument. Dans le cas de cette vidéo je me devais d’être un peu fort, ou plutôt déterminé, tout en veillant à équilibrer mes agissements, en restant juste et surtout conscient qu’un cheval qui perd la tête devient dangereux. Afin d’éviter cela, au quotidien j’abuse de récompenses, de bien-être et de relations joviales à leur égard. Cela développe leur sensibilité, gentillesse, respect et amour à notre égard. Ensuite, à la moindre petite remontrance ils semblent mécontents ou tristes de m’avoir déçu. J’adore les voir réagir ainsi. C’est une preuve qu’ils tiennent à cœur de maintenir une bonne relation avec l’Homme. 

Qu’ai-je fait ensuite ? 

Je suis revenu au pas au même endroit où Fantasia avait fait son demi-tour.  Elle craignait d’y retourner, était résistante et à la fois craintive mais par un partage de voix rassurante et convaincante et mes jambes derrière, je l’ai ramené au point précis voulu. Une fois bien arrêtée et bien posée sur ses quatre pieds, je l’ai rassurée par une voix agréable et gentille accompagnée de quelques sucres. Puis, j’ai mis un pied à terre et je l’ai amené observer de plus près les photos. Toujours en la rassurant par des caresses, un ton de voix agréable et des récompenses. La sentant rassurée, je suis remonté dessus afin de sauter à nouveau en direction des photos. 

Comment a-t-elle réagi par la suite ? 

Alors que je revenais vers l’obstacle, tous les chevaux ayant un énorme pouvoir d’anticipation, je sentais Fantasia monter en pression. Elle préparait sa fuite, sa résistance et la voie pour me contredire. Cette fois-ci, aussitôt après le saut, elle fuyait tout en cherchant à faire demi-tour au plus vite. Elle désirait se mettre en opposition pour voire la réaction, comme un adolescent en crise qui provoque le conflit. Je conservais donc mon calme mais ma détermination, mes épaules bien reculées, mes jambes bien présentes pour la guider et l’inciter à aller de l’avant, au minimum au niveau du premier demi-tour. Tout cela accompagné là encore d’une voix autoritaire en hésitant pas à la gronder. Je renouvelais ensuite l’exercice toujours en récompensant énormément et en la flattant d’une voix paisible lorsqu’elle acceptait mon arrêt au point précis que j’avais programmé. Au fur et à mesure des passages, ma voix convaincante est devenue de plus en plus rassurante et joyeuse. Petit à petit j’ai réussi à l’arrêter devant les photos en utilisant seulement une voix paisible, attentionnée…

Après ces quelques passages toujours en progression et comme souvent je le fais quand je suis satisfait du travail de mes chevaux et de notre collaboration, j’ai lâché Fantasia en liberté afin qu’elle se roule et se relâche totalement physiquement et psychologiquement. 

Morale de cette histoire :

Pensez à utiliser la voix et surtout à modifier votre intonation. C’est fou comme les chevaux répondent à la voix. Avec mes chevaux de trois ans j’arrive à les arrêter seulement au son de ma voix et presque sans action de mains. Souvent, quand dans une épreuve ou sur un saut un cheval se met trop de pression, courre à la faute, devient moins contrôlable, j’arrive à le calmer et à lui redonner de la concentration grâce à la voix. À la voix il vous faut aussi associer votre état psychologique. Souvenez-vous que les chevaux lisent vos émotions et sont beaucoup plus sensibles que vous ne le pensez. Un message mental erroné, une action mal gérée ou mal dosée peuvent créer des oppositions, de la confusion et même des accidents. Pour tout ceci, apprenez à gérer vos émotions, à réagir en fonction du moment, de l’endroit des réactions du cheval avec beaucoup de maîtrise, recul et précision. Si le cheval est anxieux ou nerveux, soyez intérieurement et profondément positif, relâché et serein ; s’il est en opposition et virulent réagissez avec détermination et sans aucune image négative qui vous emmèneraient à la rigidité physique et psychologique…

Pour toutes ces raisons, l’équitation est un Art et comme le disait Nuno Oliveira : « Sans Amour il n’y a pas d’Art ». Allez donc de l’avant dans votre approche aux chevaux et à l’équitation en rentrant dans les détails, en apprenant une réelle méthode classique d’équitation, en ayant une grande souplesse mentale et physique, en étant plus exigeant envers vous et moins envers les chevaux, en sachant les éduquer tout en vous souvenant qu’eux seront vos meilleurs éducateurs pour grandir, devenir des Hommes dignes, respectueux et heureux. Vivez ainsi de grandes histoires d’Amour !

Sportivement vôtre, Éric

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