La confrontation porte à l’évolution !

Eric Louradour et ses cavaliers

Il est reconnu que les critiques ou les crises peuvent se révéler très positives et constructives.

Lorsque j’étais entraîneur national de tout le secteur jeunes en Italie (poneys, enfants, juniors et jeunes cavaliers) et dans mon rôle d’enseignant jusqu’à ce jour, j’ai toujours sensibilisé les cavaliers à veiller à leur mentalité, à maintenir une stratégie sportive mais aussi pour leur vie d’Hommes, à apprendre le maximum avec passion, dévouement, détermination et courage… 

Dans la vie, il y a différentes étapes. Une première où la personne s’amuse tout en grandissant physiquement. C’est une période importante où la personne apprend à rester dans un cadre sans être trop sollicité ni physiquement ni mentalement. Puis arrive l’adolescence, avec les découvertes, les expériences et les rencontres qui peuvent se révéler très influençables et déterminantes. Enfin, une troisième étape s’ouvre où la jeune personne devient adulte et, forte de son éducation, ses études et ses expériences, se bat pour vivre comme il l’entend et évoluer tant sur le plan humain, professionnel, social et dans ses différents centres d’intérêts. 

La passion et la raison sont indissociables !

Dans mon rôle d’entraîneur national et d’enseignant, j’ai aussi dit aux jeunes prodiges qui avaient la chance de représenter leur nation en compétitions internationales, de ne pas s’éluder. Ce n’est pas parce qu’ils ont du succès jusqu’au niveau des jeunes cavaliers qu’ils doivent penser être arrivés au top ou bien que pour eux toutes les portes s’ouvriront. En revanche, j’ai toujours rassuré ceux qui n’avaient pas le cheval au bon moment ou pas encore le niveau en temps voulu pour participer à ces compétitions internationales, leur disant que bien des cavaliers au plus haut niveau aujourd’hui n’ont pas eu de grands succès dans leur jeunesse. C’est grâce au temps, à la patience, au courage, à la passion et la détermination ainsi qu’une stratégie bien étudiée qu’ils ont atteint les sommets. Quand je vois tous les efforts d’un Steve Guerdat, Kevin Staut ou Nicolas Delmotte pour ne donner que quelques exemples, je suis admiratif. Quel boulot et quel résultat ! 

Comme je l’ai déjà dit dans des précédents posts, je porte de l’avant un groupe de chevaux de façon très lente et très respectueuse de leur croissance. Pour cela, j’ai fait appel dans le passé à deux cavaliers maison, Julien Pinel et Grégoire Hauviller. En tant que cavalier de concours, j’ai collaboré avec un ancien élève, Emanuele Bianchi, et à ce jour et depuis un an avec Tommaso Gerardi. Tous ont fait un excellent travail et m’ont permis de poursuivre l’évolution technique que je désirais dans les meilleures conditions. Merci et bravo à eux. Je ne suis pas tous les jours facile à vivre et les chevaux peuvent nous transmettre bien des doutes par moments…

Dernièrement, Tommaso avait un peu de difficultés avec deux jeunes chevaux récemment arrivés. Il en a monté très peu dans sa carrière. Il n’a que vingt-deux ans. Vis-à-vis des propriétaires et surtout des chevaux qui n’évoluaient pas aussi vite et bien comme je le désirais, et pour que Tommaso se concentre sur les plus âgés, j’ai pris la décision de les changer de cavalier. La chance a voulu que lors d’un concours, j’ai observé un jeune cavalier issu du monde du concours complet qui semblait avoir du talent, une belle équitation, éducation et une bonne mentalité, Matteo Arrighi. Ces jeunes « completistes » ne se la jouent pas « superstar » ou tout au moins on ne leur fait pas croire dès leurs premiers succès ou leur jeune âge qu’ils le sont ! Ils ont souvent une meilleure éducation équestre. Ils ont normalement également de bonnes bases de dressage, passent plus de temps à travailler à la maison qu’en compétition et savent vraiment ce qu’est la préparation physique et psychologique d’un cheval. Ainsi j’ai demandé à Matteo de venir passer deux jours aux écuries afin d’essayer ces deux chevaux. Avant cela, conscient que mon geste pouvait déplaire ou mettre en interrogation Tommaso, je lui ai fait comprendre qu’à tout âge on peut apprendre ; que l’on apprend en écoutant, en pratiquant mais aussi en observant et que la confrontation et le dialogue ainsi que les expériences diverses et variées nous forgent… Il fallait qu’il voie en moi un geste généreux et non provocateur pour le diminuer.

Fin septembre, comme il était prévu dans nos accords initiaux et dès le départ, Tommaso volera de ses propres ailes.

Après plusieurs séances à la maison ce week-end, nous nous sommes retrouvés tous en concours. Tous les chevaux ont brillés et je me sens réconforté et heureux des choix que j’ai fait. Que ce soit vis-à-vis des chevaux, de leurs propriétaires et aussi de ces jeunes cavaliers qui sont heureux de notre collaboration à la vue des comportements et des résultats des chevaux. Cerise sur le gâteau, un beau message à la fin du concours venu d’Emanuele Bianchi ! Dans ce texto, Emmanuele dit qu’il comprenait mieux aujourd’hui mes enseignements, ma vision, ma philosophie et qu’il était très heureux d’observer une telle évolution des chevaux. 

Le rôle d’un enseignant n’est pas toujours facile. On peut jouer bien des rôles en fonction de l’élève. On peut être un père, un ami, un confident, un protecteur, un donneur, un guide… mais aussi un gendarme, un emmerdeur, un pointilleux, un dictateur ! Tout cela demande beaucoup d’observation, de temps, d’énergie, de passion et de désir de partager. Malheureusement certaines fois, l’élève peut se comporter comme un fils durant l’adolescence qui en veut aux parents d’être trop contraignants ou exigeants au point de même s’éloigner d’eux. C’est seulement avec le recul et même bien des années après qu’il prendra conscience que ses parents l’ont bien éduqué, l’ont protégé et l’ont mis sur la bonne voie. Il est parfois plus facile de dire oui sans explication plutôt que de dire non et d’en donner. Le bon père comme le bon enseignant se doit d’être exigeant, honnête, sincère, entier tout en faisant preuves d’amour, de passion, de compassion, d’intelligence, de compétences, de psychologie… 

L’évolution demande des efforts. L’effort est une remise en question et du travail. Et sans remise en question et travail, il n’y a pas d’évolution. Pour moi une vie sans évolution serait trop maussade et inutile. Chaque jour je remercie d’être en ce monde et je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour devenir un être meilleur en respectant au mieux mon corps, ma personne mais aussi mes chevaux et les personnes que je croise sur ma route. Avec mon équipe renforcée, nous allons aller de l’avant cette saison pour former au mieux ces chevaux et pour satisfaire leurs propriétaires. Fin septembre, comme il était prévu dans nos accords initiaux et dès le départ, Tommaso volera de ses propres ailes car la formation des chevaux plus âgés sera finie. En 2022, ou bien son propriétaire les montera ou bien ils seront confiés à certains des meilleurs cavaliers mondiaux. Je suis certain que ces chevaux ont le potentiel pour leur plaire et leur formation comme nous l’avons faite aura consolidé j’en suis persuadé leur physique, leur technique, leur générosité et leurs capacités. Ainsi un cercle se fermera et j’en rouvrirai un autre. Qui ça, où et avec qui ? Peut-être au même endroit… Dans la vie, rien n’est définitif ou inébranlable. Je continuerai en revanche à être ce que j’espère : un bon professionnel, un bon enseignant, un homme de cheval, un homme qui n’hésite pas à se remettre en question et qui continue à avoir des doutes et des nouveaux objectifs qui l’obligent à réfléchir, à bouger et trouver des solutions, une personne qui aime partager en partant sur de nouveaux projets et avec de nouveaux protégés. Qu’ils soient chevaux, cavaliers, grooms ou propriétaires je leur dédie ma vie et j’en suis ravi. La vie est une seule et mieux vaut la vivre pleinement et du mieux qu’on peut en faisant des efforts pour la réussir comme on l’entend mais en faisant preuve d’humanisme et d’altruisme.

Sportivement votre, Éric

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