Le Docteur Guerd Heuschmann, dans son excellent livre A la recherche de l’équilibre, écrit : « Malgré le fait que l’équitation non sportive pratiquée en temps libre représente la grande majorité du monde équestre, l’opinion moyenne et publique se concentre avant tout sur la compétition d’excellence . La compétition au plus haut niveau façonne l’image de tout le monde de l’équitation sportive et porte donc sur elle-même une responsabilité exceptionnelle. Pour cette raison, il est encore plus malheureux que la compétition de haut niveau ait perdu son rôle d’exemple pour tous les cavaliers ces dernières années. En effet, les cas de dopage ou en tout cas de traitement vétérinaire interdit, les méthodes d’entraînement ou d’équitation non respectueuses du cheval et la commercialisation croissante ont porté atteinte à l’image de l’équitation de compétition auprès du grand public. C’est dans la nature des médias de souligner les scandales, car ils vendent plus. Même la presse équestre, qui fait pourtant partie de ce milieu sportif, critique et rapporte souvent les faits avec partialité alors qu’au contraire, un plus grand professionnalisme et une information plus complète auraient aidé le débat. »
Il y a quinze jours, j’ai assisté au premier Grand Prix CSIO de l’année -à Gorla Minore-. J’espérais voir, à ce niveau de compétition, uniquement du beau sport et de la belle équitation. Bien-sûr certains cavaliers, chevaux ou couples ont exécuté de superbes prestations. Cependant, je suis reparti de là avec une certaine amertume, pour ne pas dire de la colère. En tous cas, beaucoup de tristesse ! Quelle horreur par exemple de voir un cavalier qui affrontait ce gros parcours sans le bagage technique approprié, ni les capacités. Ce dernier « jetait » souvent son cheval dans les barres à cause de distances approximatives ou impossibles, il se « baladait » de la tête à la queue tandis que son pauvre cheval si généreux l’emmena tout de même jusqu’au bout du parcours… Un tel cavalier doit-il être sélectionné à ce niveau pour représenter son pays ? Quel spectacle pitoyable également d’observer un cavalier talentueux certes, mais usant seulement de sa force physique, de son courage et surtout de son manque de respect pour l’animal pour l’obliger à finir coûte que coûte le parcours dans un rapport de contrainte. Ce cavalier avait serré si fortement les guêtres postérieurs que son pauvre cheval n’avait d’autres solutions que de jeter ses postérieurs haut et loin de façon si anti-naturelle que finalement et paradoxalement c’est à cause de ces ustensiles qu’il fit une faute… Quelle rage enfin de voir un autre cavalier pourtant idolâtré par le public et les journalistes pratiquer une équitation pesante, vulgaire et en force également. Certes, il donne du spectacle aux néophytes, mais quelle horreur de voir ce cavalier pousser sans cesse en s’agitant alors que son cheval ne cherche qu’à prendre du recul à l’abord des obstacles et se perche au-dessus… Signaux flagrants que toute la préparation du cavalier pour le concours est basée sur un travail d’attention et de respect des barres de la part de son cheval. Quand il est en plus de notoriété publique que ce cavalier n’a pas toujours fait preuve d’honnêteté, de respect ou d’éthique dans sa carrière professionnelle , on ne peut que désapprouver cet aura de “star” qu’on lui attribue… La fin ou la faim (d’argent ou de notoriété) justifieraient donc les moyens dans notre milieu ? Pourquoi autant de non-dits, de déloyauté, de mensonges et même de malhonnêteté ou d’omerta dans notre communauté ?
Où est donc dans tout cela l’amour et le respect du cheval, l’éthique du sport, la méritocratie, l’exemplarité pour les générations à venir et vis-à-vis des associations de protection des animaux qui se feront une joie de pouvoir parler haut et fort de ces excès et de ces quelques personnes qui détruisent l’image d’un sport hors du commun par tous les bienfaits qu’il procure ? Ces gens-là, même en petite quantité, mettent en péril notre communauté et il est temps pour nous et surtout les fédérations de réagir !
Sur ce dernier point, le docteur Gerd Heuschmann a écrit également : « Le système d’invitation des juges qui est encore pratiqué aujourd’hui est à mon avis inadapté et aurait dû être révisé depuis un certain temps. Nous avons besoin de juges qualifiés, indépendants, forts qui savent s’imposer. Des juges inattaquables. ici les fédérations entrent en jeu: les promotions des juges doivent être liées à la compétence et à la rigueur dans l’application des principes, non à leur malléabilité et leur conformité. Il y a déjà assez de gens qui brossent toujours dans le sens du poil et font carrière grâce à leur conformisme. Sans juges forts et indépendants, notre système ne peut pas fonctionner (je rajouterai sans bons journalistes indépendants, compétents et loyaux aussi) ! Sans eux, ils ne pourront pas défendre les principes éthiques ou la protection du cheval contre la pression croissante des intérêts économiques ! Comme je l’ai déjà dit, je voudrais également rappeler ici que la responsabilité de sélectionner des juges qualifiés et inattaquables dépend uniquement et exclusivement de nos fédérations équestres. À mon avis, l’indépendance totale et la compétence absolue des juges peuvent arrêter la dérive actuelle et ramener l’équitation sportive à la seule voie acceptable! Si la chasse au spectacle au détriment des chevaux devait se poursuivre ainsi, sans freins, d’autres institutions interviendront pour mettre fin à la tendance. De cela, je suis sûr. »
J’ai désiré écrire cet article qui j’espère vous mènera à la réflexion, au débat et à l’action.
Je ne suis pas aigri. Je suis seulement engagé car j’aime vraiment les chevaux comme bon nombre d’entre vous mais surtout par ce que je veux croire en un futur meilleur pour toute notre communauté et pour tous nos compagnons équidés. Je le dis et le redis sans cesse, sans les chevaux l’homme n’aurait jamais connu cette évolution. Nous leur devons donc le respect éternel. Ensemble, s’il vous plaît, changeons les mentalités. Cultivons l’amour, transmettons des compétences et des vertus pour ne pas voir l’autre comme un adversaire. Les dirigeants des fédérations et les enseignants ont besoin d’intégrer ces valeurs. Si l’humanité change, notre milieu changera.
Sportivement votre, Éric