Cheminer, épisode 1 – Spirou de Balme, ou le temps d’apprendre

Spirou de Balme

Cheminer, c’est aussi témoigner… et transmettre

En 1991, j’ai fait acheter à Monsieur Gianni Bonomelli, un propriétaire italien aussi passionné qu’impétueux, trois jeunes chevaux : Trit’s âgé de 6 ans, Volchebnik, 7 ans et Spirou de Balme, 5 ans. Il fallait sans cesse ramener Gianni à l’essentiel : patience, respect du rythme, et conscience que les vraies réussites prennent du temps. Ces trois chevaux allaient justement le prouver.

Grâce à une méthode lente Trit’s a mené son fils Omar jusqu’aux Grands Prix CSIO. Volchebnik a fini sous la selle de Rodrigo Pessoa, et a remporté plus de 300 000 euros de gains. Mais c’est Spirou qui incarne le mieux ma philosophie.

Cheval joyeux, puissant, mais délicat à canaliser, Spirou était prometteur, mais déséquilibré : bas sur les épaules, très explosif, peu concentré, avec une force dorsale importante. À 6 ans, je l’ai volontairement “ralenti” : peu de concours, travail quotidien basé sur l’écoute, la construction, et des arrêts répétés dans bien des lignes, y compris en compétition. Bien sûr, j’aurais pu mettre un mors plus fort, chercher à gagner des épreuves, sachant que Spirou était très respectueux…

Là où certains hésitent à “travailler” en piste, moi, je crois qu’éduquer en situation réelle est essentiel. C’est là que se construisent les bases solides. Le cheval doit apprendre à rester connecté avec son cavalier, en confiance, et capable de gérer ses émotions, particulièrement en compétition.

Jeune, j’étais subjugué par un grand homme de cheval : Michel Pélissier. Cet homme, qui avait été champion de France — donc un compétiteur dans l’âme — n’hésitait pas, dès qu’il obtenait un bon saut ou une réponse positive de son cheval, à se retirer, même en pleine épreuve, pour le flatter, le récompenser abondamment, en exprimant une joie sincère et de vraies émotions… envers ses chevaux, mais aussi envers le public. Sachant aujourd’hui que les chevaux lisent les émotions du cavalier, ce monsieur avait déjà compris la force du renforcement positif. Cette justesse m’a inspiré.

Grâce à ce travail patient, Spirou de Balme a gagné en équilibre, en sérénité. Il a ensuite croisé la route de Marina Hands, actrice césarisée et passionnée qui était dans le film Jappeloup, l’épouse de Pierre Durand, interprété par Guillaume Canet. Séduite par sa prestance, son galop, et cet équilibre fabuleux mais entièrement construit, elle l’a acheté, convaincue que ce talent était inné. Mais il était surtout le fruit d’un long travail.

Sous la selle de Gilles Bertrand de Balanda, Spirou a remporté les Grands Prix de Biarritz et Gijón. Un aboutissement, oui, mais surtout une confirmation : prendre le temps n’est jamais une perte. C’est un investissement juste et durable.

La réussite ne se mesure pas à la vitesse, mais à la solidité des fondations. Depuis mes débuts, je transmets cette même conviction à mes élèves : travailler avec finesse, respecter le vivant, et ne jamais brûler les étapes. Car un cheval n’attend pas des ordres : il attend une présence.

Demain, je vous raconterai une autre histoire. Une autre rencontre. Mais toujours guidée par la même boussole : le respect du vivant, et la confiance dans le temps.

À demain, j’espère.

Sportivement votre, Éric

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