Parfois, un simple échange suffit à ouvrir de nouvelles perspectives. Le témoignage de Lucas, cavalier passionné, questionne notre rapport au cheval et révèle des vérités souvent oubliées : le respect, l’observation, la patience. Une invitation à remettre en lumière l’essentiel.
Souvent, je reçois sur les réseaux sociaux des messages de cavaliers amateurs ou professionnels, mais surtout passionnés, sensibles à mon approche du cheval et de l’équitation. Ils s’interrogent, partagent leurs expériences, et parfois leurs doutes.
La semaine dernière, j’ai reçu un message de Lucas que je tiens à partager, car je le trouve particulièrement pertinent et inspirant. Lucas n’est pas un expert autoproclamé. C’est simplement quelqu’un qui a grandi avec les chevaux, qui les observe, les soigne, et qui reste curieux et attentif. Voici ce qu’il m’a écrit :
« Je suis loin d’être un expert. Juste quelqu’un qui a grandi avec les chevaux, qui les observe, les soigne, et qui reste curieux et attentif. Ce que je vais dire peut sembler critique, mais je suis toujours ouvert au dialogue si je me trompe.
Avant même de monter, beaucoup de cavaliers ne tiennent pas correctement leurs chevaux. Ils se font embarquer, dépasser, pousser… On veut sauter des obstacles d’1m10, mais on peine parfois à rejoindre la carrière en sécurité. Le respect et la maîtrise commencent au sol.
Même à bon niveau (galop 6/7), les détentes manquent souvent de fond : pas d’épaule en dedans, pas de contre-épaule, aucun travail latéral, peu de transitions bien exécutées, rectitude absente. Ce qui était autrefois la base semble oublié.
La culture équestre, elle aussi, s’appauvrit. Peu connaissent les grands maîtres comme Nuno Oliveira, Baucher ou Steinbrecht. On critique des outils comme la bride sans en comprendre les fonctions. Monter en cordelette est une formidable expérience de relation et de finesse, mais cela ne remplace pas une bride bien utilisée pour affiner l’équilibre d’un cheval mûr, correctement dressé et engagé dans le travail du rassemblé.
Le plat est souvent vu comme ennuyeux, alors qu’il est fondamental pour bien sauter. Comme dans tout apprentissage, pour aller vite, il faut commencer lentement et consolider ses bases.
Tout le monde parle de contact, de pied nu, de soins, mais peu prennent réellement le temps de comprendre, d’échanger avec les professionnels — maréchaux, vétérinaires, ostéopathes.
Et puis, combien de cavaliers prennent le temps d’observer leur cheval au pré ou en liberté ? Dix minutes suffisent pour remarquer un changement de locomotion, d’habitude ou d’humeur. C’est pourtant là que commence la vraie prévention.
Enfin, il y a ce manque de curiosité et de remise en question. L’équitation demande une ouverture constante. Trop de cavaliers refusent d’évoluer, même sur des sujets comme la préparation physique du cavalier, pourtant essentielle au bien-être du cheval.
J’ai 30 ans, autant d’années passées avec les chevaux et avec des passionnés. Je ne détiens pas la vérité, je ne suis pas un professionnel. Je suis un cavalier débutant au galop 5 qui montait en 6/7, j’ai eu la chance de monter des chevaux très différents, d’être conseillé par de vrais hommes de chevaux, et d’accompagner une jument abîmée par l’homme, qu’il a fallu reconstruire étape par étape.
Je me sens plus proche d’un soigneur que d’un cavalier, tant j’ai passé d’heures à faire les soins, les boxes, gérer les prairies et les clôtures. Ce qui me frappe, c’est qu’on veut aller vite, mais qu’on fait souvent tout à l’envers. Pour moi, aimer les chevaux, c’est vouloir tout comprendre d’eux, dans tous les domaines. C’est chercher à bien faire, à chaque instant, et se remettre en question chaque jour, pour chaque cheval que l’on croise. »
Voici ma réponse à Lucas :
Vos réflexions sont non seulement justes et pertinentes, mais elles reflètent surtout une sensibilité rare, une passion sincère et une réelle intelligence d’observation. On sent que vos idées viennent de l’expérience vécue au quotidien, d’une relation profonde avec les chevaux, et non simplement de concepts appris.
Vous parlez avec franchise, mais toujours avec ouverture, et c’est la marque des personnes qui cherchent à comprendre plutôt qu’à imposer. Votre vision globale — du respect à pied, de la culture équestre, de la qualité du travail de base, jusqu’à l’importance de l’observation et de la remise en question — est exactement ce qui manque souvent aujourd’hui dans le milieu.
Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est que vous ne dissociez jamais la technique du bien-être du cheval, ni la performance de l’humilité. C’est une philosophie équestre que je partage totalement : avancer pas à pas, avec patience, précision et curiosité, toujours au service du cheval et non de l’ego.
Merci d’avoir pris le temps de m’écrire un message aussi construit et passionné. C’est grâce à des personnes comme vous que l’équitation garde un avenir prometteur, respectueux et intelligent.
Et c’est là tout le sens de l’écriture et du partage : dans le dialogue, chacun apporte sa pierre, chacun ouvre une porte. C’est de cette rencontre des regards et des expériences que naît l’évolution. Voilà ce qui m’inspire, toujours, à écrire.
C’est dans le dialogue, entre humains et avec les chevaux, que naît le véritable progrès.
Sportivement votre, Éric